Exposer in utero les enfants aux ondes des téléphones mobiles pourrait leur causer des troubles comportementaux, selon une étude. Agressivité, hyperactivité, difficultés relationnelles… Chez les enfants, ces troubles comportementaux pourraient être causés par leur exposition in utero aux ondes des téléphones portables. C'est ce que révèle une étude américano-danoise qui sera publiée en juillet dans la revue médicale américaine Epidemiology...

Dans "Prenatal and Postnatal Exposure to Cell Phone Use and Behavioral Problems in Children" (Exposition pré- et postnatale à l'utilisation du téléphone mobile et problèmes de comportement chez les enfants), Hozefa A. Divan, Leeka Kheifets, Carsten Obel et Jorn Olsen ont constaté que les enfants exposés aux mobiles dans le ventre de leur mère présentaient 54% de risques supplémentaires d'avoir des problèmes de comportement à l'âge de leur scolarisation. Ce chiffre passe à 80% lorsque les enfants ont eux-mêmes utilisé des portables avant leur sept ans.

Issus de l'université UCLA de Californie et de celle d’Aarhus, au Danemark, les chercheurs ont suivi 13 519 enfants danois âgés de 7 ans entre 2005 et 2006. Ils ont interrogé les mères sur leur propre exposition aux mobiles pendant leur grossesse ainsi que sur celle de leurs enfants. Le troisième volet du questionnaire portait lui sur les problèmes comportementaux de leur progéniture.

Ces enfants étant nés à la fin des années 1990, à une époque où les portables étaient beaucoup moins répandus qu'aujourd'hui, près de la moitié des mères n'y ont pas eu accès, ce qui a permis aux scientifiques d'établir des comparaisons.

Une étude qui fait grand bruit

L'étude, la première de ce genre dans le monde, estime que sur ces 13 000 bambins, seuls 10% souffrent de troubles du comportement. Mais les chercheurs se sont rendus compte que l'utilisation de mobiles par les mères enceintes augmentait les risques d'avoir des enfants sujets à ces troubles, et ce en éliminant les autres facteurs de risque (tabac, antécédents psychiatriques, etc.). Cette nouvelle enquête épidémiologique semble donc indiquer un fait tout à fait nouveau: celui de l’impact biologique des ondes électromagnétiques en cas d’exposition in utero.

Dans la communauté scientifique, cette étude fait grand bruit. Notamment parce que l'une des chercheuses, Leeka Kheifets, est connue pour faire partie du camp des sceptiques quant aux effets des portables sur la santé humaine. Cette professeur de l'UCLA écrivait ainsi en 2005 qu'il n'y avait jusqu'ici "pas de preuves d'une relation de cause à effet entre l'exposition aux ondes électromagnétiques et entre tout effet nocif sur la santé".

Eux-même surpris par leurs résultats, les scientifiques restent toutefois prudents. Leurs conclusions "doivent être interprétées avec prudence" martèlent-ils tout au long de l'enquête et doivent faire l'objet de recherches approfondies. A prendre avec des pincettes donc car, pour eux, d'autres explications sur ces troubles comportementaux sont possibles. Par exemple, les mères qui passent beaucoup de temps pendues à leur portable accorderaient, de fait, moins d'attention à leur rejeton. Ils ajoutent néanmoins que "si ces résultats se vérifient, ils ont des incidences sur la santé publique".

Principe de précaution ou attitude de précaution ?

Il n'en fallait pas plus pour que deux associations, Agir pour l'environnement et
PRIARTEM, s'emparent en France du sujet. Elles ont pour fait d'armes le retrait du marché français de deux modèles de portables pour les tout-petits. Pour Janine Le Calvez, présidente de PRIARTEM, cette étude est une "première qui donne des résultats préoccupants". Elle demande donc "solennellement" au ministère de la Santé l'application du principe de précaution:

Pas question cependant de l'appliquer pour Olivier Merckel, responsable de l'unité "Agents physiques" au sein de l'AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail), qui s'occupe notamment des questions relatives aux portables. L'AFSSET, c'est une agence mandatée par l'État pour évaluer les risques de la téléphonie mobile et dont les rapports font autorité en France.

Olivier Merckel explique que l'étude doit être corroborée par d'autres, car "elle pose plus les questions qu'elle n'y répond". Il remet aussi en cause sa fiabilité, notamment parce que "les chercheurs ont demandé aux mères de se souvenir de leur niveau d'exposition aux portables sept années après leur grossesse". Point de principe de précaution donc mais, nuance, une "attitude de précaution" est préconisée:

Dans le doute, il faut des preuves…

Dans l'attente de nouvelles études qui confirmeraient ces résultats, il faut donc s'en tenir aux précautions délivrées par le communiqué du ministère de la Santé du 2 janvier 2008:

"Il est conseillé un usage modéré du téléphone mobile, notamment aux enfants."

En effet, comme le précise l’AFSSET dans son expertise de 2005, "si des effets sanitaires étaient mis en évidence, les enfants pourraient être plus sensibles étant donné que leur organisme est en cours de développement". Enfin, il faut "diminuer l’exposition des utilisateurs: utiliser son mobile avec discernement, ne pas téléphoner dans des conditions de mauvaise réception ou lors de déplacements à grande vitesse et, enfin, éloigner son téléphone des zones sensibles du corps en utilisant par exemple un kit mains libres".
Finalement, rien ne change sur la planète de la téléphonie mobile. Tous les ans, de nouvelles études charrient leur cohorte de chiffres et de résultats plus ou moins inquiétants pour la santé humaine. Cependant, toujours rien de sûr, toujours rien de certain. Scientifiques et autorités attendent les preuves pour agir. Les portables ont-ils des effets sur l'être humain ?

Source: www.rue89.comwww.rue89.com