L'infection palustre pendant la grossesse est un problème de santé publique majeur survenant dans toutes les régions tropicales et subtropicales. Dans la plupart des zones d endémie, les femmes enceintes représentent le principal groupe d'adultes exposé à la maladie. Le phénomène a surtout été étudié en Afrique subsaharienne qui totalise 90 % de la charge mondiale de morbidité et de mortalité liée au paludisme...

Pendant la grossesse, cette charge est essentiellement imputable à Plasmodium falciparum, qui est l'espèce la plus courante en Afrique. Les effets des trois autres parasites du paludisme humain (P. vivax. P. malaria et P. ovale) sont moins évidents. Chaque année, on recense 30 millions au moins de grossesses chez des femmes vivant dans des régions impaludées d'Afrique, dont la plupart résident dans des zones de transmission relativement stables.

Les symptômes et les complications du paludisme au cours de la grossesse diffèrent selon l intensité de la transmission et, par suite, le taux d'immunité acquis par la femme enceinte. Si les deux contextes de transmission ci-après sont présentés comme deux cadres épidémiologiques distincts, en réalité, l'intensité de la transmission et le taux d'immunité chez la femme enceinte varient d'un bout à l'autre du spectre, sachant que, dans un même pays, les conditions ne sont pas forcément identiques :
  • Dans des zones de transmission épidémique ou faible (instable) du paludisme, les femmes enceintes n'ont pas acquis un taux d'immunité élevé et tombent généralement malades lorsqu elles sont infectées par P. falciparum. Les femmes enceintes qui résident dans des zones de transmission faible ou instable risquent deux ou trois fois plus de développer une maladie grave découlant de l'infection palustre que les femmes adultes non enceintes vivant dans la même zone. Dans ces zones-ci, la mortalité maternelle peut découler soit directement du paludisme (forme grave), soit indirectement d'une grave anémie liée au paludisme. En outre, l'infection palustre risque de provoquer toute une gamme d'effets dommageables avortement spontané, décès néonatal et insuffisance pondérale à la naissance.
  • Dans des zones de transmission élevée et modérée (stable) du paludisme, la plupart des femmes adultes ont développé une immunité suffisante pour que, même pendant la grossesse, l'infection à P. falciparum n'entraîne généralement ni fièvre ni autre symptôme clinique. Dans ces zones, l'infection palustre se caractérise principalement par le déclenchement d'une anémie secondaire et par la présence de parasites dans le placenta. Les carences nutritives qui en résultent pour le foetus et contribuent à un faible poids à la naissance sont l'une des causes majeures d'un taux de survie et de développement très faible chez le nourrisson. Dans les zones de transmission stable du paludisme, l'infection à P. falciparum survenant au cours de la grossesse serait responsable de 10 000 décès maternels par an, de 8 à 14 % de tous les cas de faible poids de naissance et de 3 à 8 % de tous les décès de nourrissons.
Malgré le tribut que prélève le paludisme chez les femmes enceintes et leurs enfants, ce problème était encore relativement négligé il y a peu, sachant que moins de 5 % des femmes enceintes avaient accès à des interventions efficaces. Des stratégies antipaludiques prometteuses, potentiellement plus efficaces pendant la grossesse, ont cependant été mises au point ces dix dernières années, et elles ont considérablement amélioré la santé des mères et des nourrissons. La prévention du paludisme et la lutte contre la maladie au cours de la grossesse se subdivisent en trois volets : 1) le traitement préventif intermittent ; 2) les moustiquaires imprégnées d insecticide ; et 3) la prise en charge de la maladie proprement dite.

Le fait que, dans la plupart des pays africains, plus de 70 % des femmes enceintes se rendent à de multiples consultations prénatales est l occasion par excellence de prévenir le paludisme ainsi que d autres maladies prioritaires qui touchent les femmes enceintes.

Dans les zones de transmission stable de P. falciparum, la prévention de l'infection palustre asymptomatique basée sur une approche à deux volets le traitement préventif intermittent et les oustiquaires imprégnées d insecticide aura les meilleurs effets sur la santé :
  • Le traitement préventif intermittent consiste à administrer à toutes les femmes enceintes au moins deux doses de traitement préventif avec un antipaludique efficace lors des consultations prénatales régulières. On a pu vérifier l'innocuité, le caractère économique et l'efficacité de cette approche. Une évaluation du traitement préventif intermittent faite au Malawi a montré qu il s'accompagnait d'une baisse des infections placentaires (de 32 à 23 %) et du nombre des cas de faible poids de naissance (de 23 à 10 %). Elle a également révélé que 75 % de toutes les femmes enceintes recourraient à ce traitement s'il leur était proposé.
  • Les moustiquaires imprégnées d'insecticide permettent de réduire à la fois le nombre des cas de paludisme et le taux de mortalité chez les femmes enceintes et leurs enfants. Une étude portant sur une zone de forte transmission au Kenya a établi que les femmes qui dorment chaque nuit sous une moustiquaire imprégnée d'insecticide pendant leurs quatre premières grossesses ont quatre fois moins d'enfants prématurés ou ayant un faible poids de naissance. L'emploi d'une moustiquaire imprégnée bénéficie en outre au nourrisson qui dort avec sa mère en réduisant son exposition au paludisme. Des moustiquaires imprégnées d'insecticide devraient être remises aux femmes enceintes dès le début de leur grossesse, et leur utilisation devrait être encouragée tout au long de la grossesse et pendant la période post-partum. Les programmes d'éducation pour la santé, le marketing social et les pressions exercées pour abaisser le prix des moustiquaires et de leur réimprégnation contribuent à inciter les femmes enceintes à se servir des moustiquaires imprégnées.

Dans les zones de transmission instable de P. falciparum, les femmes enceintes non immunisées, exposées au paludisme, nécessitent une prise en charge rapide de leur état fébrile. Bien que l'on ne dispose à l'heure actuelle d'aucun outil totalement efficace pour prévenir le paludisme chez les femmes non immunisées, les moustiquaires imprégnées d'insecticide permettront de diminuer l'exposition aux piqûres de moustique infectieuses et devraient, par suite, permettre de réduire les infections symptomatiques. Par conséquent, les systèmes de soins prénatals devraient impérativement comprendre le diagnostic du paludisme, en tant que de besoin, et le traitement par des antipaludiques pouvant être administrés efficacement et en toute innocuité pendant la grossesse.

L'action pour faire reculer le paludisme, en liaison avec la stratégie pour une grossesse à moindre risque, a accordé une importance nouvelle aux risques liés au paludisme pour les femmes enceintes dans le cadre des efforts de lutte antipaludique. La mise en oeuvre de programmes efficaces et l'accès aux femmes qui en bénéficieront le plus, en particulier les adolescentes à haut risque enceintes pour la première fois, se heurtent néanmoins encore à des obstacles. De nombreuses femmes en Afrique sont privées de soins médicaux et n'ont pas toujours la possibilité de se procurer des outils efficaces tels que les moustiquaires imprégnées d'insecticide, en particulier dans les zones très éloignées. Pour prévenir de façon économique et efficace le paludisme chez les femmes enceintes, il faudra :
  • sensibiliser davantage à ce problème les collectivités les plus touchées ;
  • intégrer les instruments de lutte antipaludique dans les autres programmes de santé destinés aux femmes enceintes et aux nouveau-nés ;
  • renforcer les systèmes de soins prénatals et la participation des accoucheuses traditionnelles là où elles sont associées à la prestation des services de santé ; et
  • enfin investir.
Tel est le prix à payer pour des grossesses plus sûres et une baisse de la mortalité des nouveau-nés.
Source: www.rollbackmalaria.org