Les femmes enceintes qui utilisent des timbres à la nicotine ou le médicament bupropion (Zyban) pour arrêter de fumer courent un risque plus faible d’accoucher prématurément et de donner naissance à un bébé de petit poids que les fumeuses. C’est l’une des principales conclusions d’une étude observationnelle menée par l’épidémiologiste Anick Bérard et son équipe.

«Notre objectif premier était de comparer les taux d’utilisation durant la gestation des timbres antitabac et du médicament bupropion, un antidépresseur utilisé comme moyen de sevrage tabagique, et de voir leurs effets sur la prématurité et le petit poids à la naissance», explique la chercheuse.

Professeure à la Faculté de pharmacie, titulaire de la chaire Médicament, grossesse et allaitement et chercheuse au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, Mme Bérard rappelle qu’entre 20 et 40 % des fumeuses cessent de fumer d’elles-mêmes lorsqu’elles sont enceintes, car elles sont conscientes des répercussions néfastes de la cigarette sur le fœtus et l’enfant à naitre. De 60 à 80 % des femmes enceintes continuent toutefois de fumer en dépit des dangers. Le tabac augmente notamment les risques d’infertilité, de grossesse ectopique, de fausse couche, d’accouchement prématuré, de petit poids à la naissance, de malformation congénitale tel le bec de lièvre et de mort subite du nourrisson.

Selon Anick Bérard, les substituts nicotiniques comme les timbres antitabagiques et le Zyban semblent une bonne option pour les femmes enceintes qui ne parviennent pas à arrêter de fumer. C’est ce que confirment les résultats de son étude entreprise auprès d’un millier de Québécoises. La professeure a livré les faits saillants de sa recherche au cours d’une conférence présentée le 17 avril dernier au CHU Sainte-Justine à l’occasion du deuxième symposium sur les médicaments et la grossesse.

Effets bénéfiques des substituts nicotiniques

L’étude est la première de ce type sur le tabagisme durant la grossesse qui compare les timbres à la nicotine et le Zyban. Elle a été effectuée à partir du Registre québécois des grossesses, qui englobe toutes les grossesses couvertes par le régime d’assurance médicaments au Québec de 1997 à 2003 (soit quelque 180 000 grossesses) et qui a été mis sur pied avec le jumelage des banques de données de la Régie de l’assurance maladie du Québec (services médicaux reçus), de Med-Écho (données hospitalières) et de l’Institut de la statistique du Québec. Le Registre comprend également les données d’un questionnaire autoadministré.

Des 1288 femmes qui ont ré-pondu au questionnaire de la chercheuse, 316 avaient eu recours aux timbres antitabac, 72 au Zyban et 900 fumeuses n’avaient employé aucun substitut nicotinique.

Selon les données de Mme Bé-rard, les fumeuses avaient eu des enfants d’un poids inférieur d’au moins 371 g par rapport à celles qui avaient utilisé les timbres ou le Zyban. Des 237 bébés de petit poids à la naissance, soit de moins de 2500 g, 23 % étaient nés de mères fumeuses, 7 % de mères qui avaient employé les timbres et encore 7 % de mères qui avaient pris du Zyban.

En ce qui concerne la prématurité, 267 bébés ont vu le jour avant la 37e semaine de gestation, soit 2 de femmes qui prenaient du Zyban, 25 d’utilisatrices de timbres à la nicotine et 240 de fumeuses. L’âge gestationnel des fumeuses était nettement plus faible que celui des deux autres groupes. «Il semble y avoir eu un effet positif sur l’enfant en ce qui concerne l’âge gestationnel chez les mères qui ont eu recours à un traitement, et ce, même si celui-ci a été de courte durée», souligne Anick Bérard.

Conclusion de la professeure: les effets bénéfiques de l’utilisation des timbres antitabagiques et du Zyban en cours de grossesse sont comparables en ce qui concerne la prématurité et le poids à la naissance. Par contre, étant donné l’incertitude quant à la tératogénécité du Zyban, les timbres antitabac semblent l’option la plus intéressante.

Avec ces résultats probants, elle espère que les obstétriciens, généralement réticents à voir leurs patientes prendre des substituts nicotiniques, particulièrement sous forme de pilules, seront mieux outillés pour conseiller les femmes enceintes incapables d’arrêter de fumer. «L’idéal est, bien sûr, de cesser de fumer, affirme cette mère de trois enfants, mais si l’on n’y parvient pas il y a au moins des solutions de rechange.»

L’étude d’Anick Bérard a été financée par le Fonds de la recherche en santé du Québec, le Réseau québécois de recherche sur l’usage des médicaments et l’Institut national du cancer du Canada.