Xian Dongmei a réussi un double exploit, salué comme il se doit par la presse de son pays. C'est la première judokate chinoise qui soit parvenue à conserver son titre olympique. C'est surtout la première femme de l'empire du Milieu à avoir conquis l'or après être devenue maman. Sa fille, Liu Jiahui, est née il y a seulement sept mois. De là à penser qu'au pays où on ne badine pas avec le contrôle des naissances, l'arrivée de la petite Liu avait été programmée avec son entraîneur de mari pour écrire une belle page de ces Jeux...

Il y a quelques années, dans d'autres pays communistes, des entraîneurs sans scrupules n'avaient-ils pas écrit certaines des pages les plus sombres de l'olympisme en poussant le vice jusqu'à mettre enceintes leurs athlètes avant de les obliger à avorter les jours précédant une grande compétition ?

En 1994, la Russe Olga Kovalenko, championne olympique de gymnastique par équipe aux Jeux de Mexico 1968, avait expliqué que ses coaches l'avaient contrainte à procréer avec son petit ami puis à interrompre la grossesse au bout de dix semaines. "Si j'avais refusé, je n'aurais pas eu le droit d'aller aux Jeux, avait déclaré l'ex-gymnaste. Les médecins nous avaient dit qu'un corps de femme enceinte produit plus d'hormones masculines et peut devenir plus fort." Selon un ancien responsable du sport soviétique, Olga pouvait s'estimer heureuse : ses partenaires de gym mineures devaient coucher avec leur entraîneur.

Il y a tout juste vingt ans, lors d'une session de la société de gynécologie et d'obstétrique du Rhin, la professeur zurichoise Renate Huch avait fait sensation en dénonçant dans ces pratiques une forme de dopage cachée très répandue. "Les capacités sportives augmentent tant que la femme enceinte ne prend pas de poids", avait précisé la spécialiste. Et certains entraîneurs démoniaques s'étaient bien rendu compte que la grossesse, à l'origine d'un afflux de globules rouges, était un moyen, non prohibé par les instances antidopage, d'améliorer le transport de l'oxygène vers les muscles. Depuis, l'EPO est arrivée.

Stéphane Mandard
www.lemonde.frwww.lemonde.fr