Susceptible d’améliorer la prise en charge médicale des enfants victimes d’un handicap, le DPN, qui est proposé à la plupart des femmes enceintes, soulève aussi la question de la sélection de l’enfant à naître. Se représenter, au plus vite et dans les moindres détails, l’enfant à naître : tel est le souhait grandissant des parents. En témoigne l’extension considérable du diagnostic prénatal (DPN), ces trente dernières années...

Une évolution rendue possible par les progrès des techniques échographiques, des prélèvements fœtaux et des actes de biologie moléculaire. Au final, le dépistage de certaines anomalies (comme la trisomie 21) est aujourd’hui proposé à l’ensemble des femmes enceintes. Non sans faire controverse. Car le diagnostic prénatal, susceptible d’améliorer de manière précoce la prise en charge médicale des enfants victimes d’un handicap ou d’une malformation, a aussi alimenté le mythe de « l’enfant parfait » et débouché sur de nombreuses interruptions de grossesse. Récemment, un couple a même annoncé son intention de saisir le tribunal de Nancy pour s’être vu refuser la possibilité d’avorter d’un fœtus privé d’avant-bras gauche.

Les techniques diagnostiques

Le terme de « diagnostic prénatal » recouvre plusieurs pratiques, certaines étant d’application systématique, d’autres réservées aux femmes « à risques ». Toutes les futures mères se voient proposer trois échographies, de même qu’un test sanguin de dépistage de la trisomie 21. Une minorité d’entre elles sont amenées à se plier à une batterie d’examens complémentaires : les femmes dont les premiers résultats indiquent un risque élevé de trisomie chez l’enfant, celles âgées de plus de 38 ans, celles qui sont issues d’une famille porteuse d’une maladie génétique ou chromosomique et, enfin, celles dont les échographies laissent apparaître une éventuelle malformation.

Ces femmes dites « à risques » subissent, le plus souvent, une amniocentèse (prélèvement de liquide amniotique) afin d’être fixées sur l’état de santé du bébé. Cette technique risquée – elle entraîne une fausse couche dans 1 % des cas – pourrait, à terme, être abandonnée au profit d’un prélèvement des cellules fœtales dans le sang maternel. De quoi élargir encore davantage et très précocement le champ du diagnostic prénatal. On constate, par ailleurs, que la liste des maladies diagnostiquées n’a cessé, ces dernières années, de s’allonger. Les praticiens décèlent désormais aussi bien les aberrations chromosomiques (trisomie) que les maladies génétiques (mucoviscidose, syndrome de l’X-fragile, hémophilie, maladie de Huntington, etc.) ou encore les maladies infectieuses (toxoplasmose fœtale). Et, depuis peu, ont même entrepris de détecter certaines formes héréditaires de cancers susceptibles de déboucher sur des décès précoces (la polypose adénomateuse ou le rétinoblastome).

Ce que dit la loi

Le diagnostic prénatal , précise la loi, « s’entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité. Il doit être précédé d’une consultation médicale adaptée à l’affection recherchée. » Ainsi, les couples dont l’enfant semble, au vu des premiers examens, présenter un handicap ou une malformation sont dirigés vers l’un des 48 centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). Ils y sont écoutés et conseillés par plusieurs praticiens (médecins, échographistes, généticiens, chirurgiens, etc.).

L’objectif de ces rencontres est d’aider les familles à mieux comprendre les effets de la pathologie diagnostiquée et de les informer sur les prises en charge médicales existantes. Cette réflexion, menée conjointement par le couple et l’équipe médicale, a pour but d’éviter l’arbitraire de choix faits par des médecins isolés. C’est après cette concertation médicale, qu’une interruption médicale de grossesse (IMG) peut, à la demande des parents, être réalisée. Et ce, quel que soit le stade de la gestation. Seule exigence posée par la loi : deux médecins doivent certifier qu’il « existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité, reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». Si les praticiens refusent d’autoriser la mère à avorter, celle-ci peut prendre contact avec un autre CPDPN.

Ce qui pourrait changer

En l’état actuel du droit, c’est aux médecins qu’il revient d’apprécier la gravité des pathologies détectées et d’autoriser ou non l’interruption de la grossesse. Le législateur s’est en effet jusqu’à présent refusé à dresser une liste des maladies susceptibles de donner lieu à un avortement médical, afin de laisser les médecins apprécier la singularité de chaque situation familiale. Logiquement, cette responsabilisation va de pair avec une certaine hétérogénéité des décisions. Selon, par exemple, que les centres prennent ou non en compte l’état psychique de la mère, et la manière dont ils en jugent.

Sans prendre clairement parti en faveur d’une liste, le conseil d’orientation de l’Agence de biomédecine se déclare favorable au fait de « définir des bases communes de décision d’une équipe médicale à une autre ». L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opesct) a, lui, une position plus tranchée. Il est favorable à ce que, « de manière indicative », soit établie une « liste des maladies d’une particulière gravité », afin « de guider les centres de diagnostic dans leurs décisions ». Les parlementaires ne devraient pas faire l’économie de ce débat dans le cadre de la révision des lois de bioéthique.

Auteur: Marie BOETON
Source: http://www.la-croix.comhttp://www.la-croix.com