Grâce à une vaste étude prospective chez des femmes enceintes, des cliniciens de l'Île de La Réunion et des chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm ont pour la première fois mis en évidence des cas de transmission materno-fœtale du virus du Chikungunya. Leurs observations montrent que celle-ci se fait préférentiellement quand les mères sont infectées peu avant le terme de leur grossesse, et que les nouveau-nés ont une probabilité accrue de développer des formes graves de la maladie...

Mars 2005 : l’épidémie de Chikungunya qui sévit dans l’Océan Indien depuis fin 2004 gagne La Réunion. Jusqu’en décembre 2006, elle touchera plus d’un tiers de la population de l’île. En juin 2005, le premier cas suggérant la possibilité d’une transmission mère-enfant du virus est observé au sein du Groupe Hospitalier Sud Réunion (GHSR).

Afin d’expliquer l’apparition de la maladie chez des nouveau-nés, qui ne sont pas exposés aux piqûres des moustiques vecteurs, des médecins du GHSR - dont Patrick Gérardin, Alain Michault, Georges Barau et Pierre-Yves Robillard -, l’équipe de Marc Lecuit (1) (Institut Pasteur/Avenir Inserm U604) et Isabelle Schuffenecker (Centre National de Référence des Arbovirus, Institut Pasteur) se sont alors rapidement mobilisés, en collaboration avec d’autres chercheurs de l’Institut Pasteur, pour étudier la possible transmission mère-enfant du Chikungunya, en déterminer la fréquence, la gravité, et en comprendre le mécanisme. Une vaste étude prospective et multidisciplinaire chez les femmes enceintes admises au GHSR a donc été mise en place.

Les médecins et les scientifiques ont mené pendant 22 mois des investigations cliniques chez plus de 7500 femmes enceintes, dont 678 ont été infectées au cours de leur grossesse. Ils ont ainsi observé que plus une mère contractait l’infection au voisinage du terme de sa grossesse, plus la probabilité de transmettre le virus à son enfant était importante. Ainsi, alors qu’au total moins de 3% des enfants nés de mères ayant développé un Chikungunya au cours de leur grossesse sont contaminés, ce taux de transmission atteint 50% lorsque l’infection de la mère se fait dans les deux jours avant l’accouchement. L’étude a également montré que les enfants ayant contracté le Chikungunya par transmission materno-fœtale développent dans un cas sur deux une forme sévère de la maladie, avec notamment une encéphalopathie se traduisant par un oedème cérébral, et parfois des complications hémorragiques.

Ces résultats révèlent l’importance du suivi de la grossesse en zone d’endémie du Chikungunya, et de la probabilité élevée de transmission du virus au nouveau-né si sa mère est malade au cours de l’accouchement. Ils alertent en outre sur le danger important que constitue cette maladie pour certaines populations à risque, comme les nouveau-nés, et soulignent que la transmission mère-enfant du virus doit aujourd’hui être prise en compte par les autorités de santé publique.