Des chercheurs français et italiens ont identifié un marqueur biologique permettant de prévoir quel embryon possède le plus de chances de s'implanter dans l'utérus au cours d'une assistance médicale à la procréation (AMP) et d'arriver à terme. Ces travaux ont été présentés, vendredi 11 avril, à Tours, lors d'une réunion de la Société européenne de reproduction humaine et d'embryologie. Un test simple, rapide et non invasif pourrait être utilisé pour examiner individuellement les ovocytes (cellules reproductrices femelles) avant même qu'ils soient fécondés...

Le docteur Nathalie Lédée (Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines), Gérard Chaouat (Inserm U782, Clamart) et leurs collègues travaillent depuis plusieurs années sur un moyen d'améliorer le faible taux actuel de succès de l'AMP. "5 % des ovocytes mis en fécondation débouchent sur la naissance d'un enfant", rappelle la chercheuse. L'équipe s'est intéressée au liquide folliculaire dans lequel baigne l'ovocyte, au sein d'un follicule, avant l'ovulation.

L'étude a inclus 71 femmes inscrites dans un programme d'AMP. L'équipe a recueilli individuellement chaque follicule et identifié la correspondance entre le liquide folliculaire et son ovocyte. Les ovocytes ont ensuite été fécondés. Au total, 132 ovocytes ont été transférés dans l'utérus des participantes. Ces dernières ont été suivies, le cas échéant, jusqu'à l'accouchement. Il a ainsi été possible de connaître le taux d'implantation et de réussite de la grossesse pour chaque ovocyte et chaque liquide folliculaire.

Marie-Pierre Piccinni (université de Florence, Italie) a analysé vingt-huit substances différentes dans les liquides folliculaires. Un facteur de croissance (substance nécessaire à la croissance des cellules) des globules blancs, le G-CSF, s'est révélé un excellent biomarqueur immunologique de la capacité d'obtenir un embryon qui s'implante bien dans l'utérus et aboutisse à une naissance.

"Le taux d'accouchement a été de 6 % pour les embryons issus d'un ovocyte où le liquide folliculaire contenait le taux le plus faible de G-CSF (20 picogrammes par millilitre, pg/ml). Il était de 15,8 % pour ceux ayant un taux intermédiaire et de 44 % pour ceux ayant le taux le plus élevé (supérieur à 24 pg/ml)", explique Nathalie Lédée.

Cette corrélation serait liée au fait que le G-CSF induit la tolérance immunitaire. Il permettrait donc à l'embryon d'être mieux accepté dans l'organisme maternel. "Nos travaux sont en accord avec des hypothèses nouvelles selon lesquelles le potentiel de vie d'un ovocyte est lié à son aptitude à un dialogue de tolérance immunitaire", explique le docteur Lédée. Cela a été confirmé par l'injection expérimentale de G-CSF chez des souris.

La tolérance immunitaire serait donc au centre du phénomène de la reproduction. Au niveau local, dans l'utérus où s'implante l'embryon, on ne retrouve d'ailleurs pas de cellules impliquées dans l'immunité acquise, en réponse à un corps étranger. L'utérus "autoriserait" en quelque sorte l'embryon à s'implanter.

"Cela s'expliquerait par le fait qu'à ce moment, l'embryon n'exprime pas des facteurs immunitaires individuels, mais des facteurs spécifiques de l'espèce humaine", commente Nathalie Lédée. La chercheuse avoue qu'elle et ses collègues "n'imaginaient pas que le dialogue entre l'embryon et l'utérus était si précoce et si intense, avant même le contact avec la muqueuse utérine".

Ces travaux feront prochainement l'objet d'une publication dans la revue Human Reproduction. Un brevet couvrant un test immunologique de type Elisa pour l'analyse individuelle de la concentration du liquide folliculaire en G-CSF a été déposé. Ce test constituerait un outil précieux pour ne transférer qu'un seul embryon lors d'une AMP et limiter ainsi les grossesses multiples. Il pourrait être un moyen d'apprécier individuellement le potentiel de chaque ovocyte, en particulier chez les femmes de plus de 35 ans, chez lesquelles la réserve d'ovocytes diminue.

La baisse constatée de la qualité du sperme et l'augmentation de l'âge des femmes lors de leur première grossesse ont un "faible impact" sur le nombre final d'enfants par femme, selon une étude française publiée par la revue Human Reproduction. L'équipe d'Henri Léridon et Rémy Slama (Inserm U822) montre que l'on passerait de 2,00 à 1,92 enfant par femme si la "fécondabilité" diminuait de 15 % et à 1,77 si les femmes reportaient de soixante-neuf mois leur première grossesse. Les deux hypothèses provoqueraient un bond de 73 % et de 80 % de l'éligibilité à la procréation médicalement assistée.