Est-ce la proximité entre la mère et l’enfant ? Est-ce un ingrédient du lait ? On l’ignore, mais c’est maintenant prouvé pour la première fois dans une étude à grande échelle : les bébés allaités sont plus intelligents. De façon marginale mais significative. Cette étude canadienne montre qu’entre deux groupes d’enfants, celui dans lequel les mères ont reçu de l’information sur les bienfaits de l’allaitement  et ont allaité plus longtemps  a obtenu plus de points dans le test de quotient intellectuel...

«Même si c’est trois ou quatre points de quotient de plus, pour une population, ça veut dire moins d’enfants en difficulté scolaire et plus d’Einstein et de Mozart, dit l’auteur principal de l’étude, le Dr Michael S. Kramer, de l’Université McGill. Ça devrait être encourageant pour les mères.»

L’étude a été réalisée en Biélorussie auprès de 14 000 enfants nés entre juin 1996 et la fin 1997. Entre décembre 2002 et avril 2005, ils ont subi un test de quotient intellectuel. En plus, ceux qui avaient atteint l’âge scolaire ont été évalués par leurs professeurs.

Pourquoi la Biélorussie ? «Quand on a conçu cette étude au tournant des années 1990, il y avait déjà trop de promotion de l’allaitement en Amérique du Nord, explique le Dr Kramer. Tandis qu’en Biélorussie et ailleurs dans les anciennes républiques soviétiques, dans les hôpitaux, on était au même point qu’il y a 30 ans ici : allaitement à horaire fixe, séparation des mères et des enfants, peu de formation des infirmières, introduction du biberon par le personnel, etc. Tout pour décourager l’allaitement.»

Aujourd’hui, les bienfaits de l’allaitement maternel sont reconnus, mais il manquait encore une étude sur un échantillon d’une grande ampleur choisi au hasard pour éliminer des facteurs possiblement confondants.

Les chercheurs croient avoir réussi avec cette étude en Biélorussie, la plus importante du genre jamais réalisée. Dans le groupe expérimental de 7108 enfants, les mères ont reçu de l’information sur les bienfaits de l’allaitement. Dans le groupe de contrôle de 6781 enfants, la procédure normale de l’hôpital a été suivie.

L’information sur l’allaitement a eu de l’effet : les mères allaitaient plus après trois mois (73% contre 60%), après six mois (36% contre 24%) et après neuf mois (20% contre 14%). Les différences étaient plus importante encore pour le caractère exclusif de l’allaitement. Pour 43% des mères du groupe expérimental, après trois mois, il n’y avait eu aucun apport de nourriture ou de formule, contre seulement 6% pour le groupe de contrôle.

Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé recommande l’allaitement exclusif jusqu’à six mois.

Les enfants du groupe expérimental se sont ensuite démarqués, vers l’âge de six ans, dans le test de quotient intellectuel, en particulier pour les aspects de langage.
«Nos résultats confirment les bienfaits cognitifs d’un allaitement prolongé et exclusif», affirment les chercheurs.

Les pays développés ont une leçon à tirer de ces résultats, dit le Dr Kramer. «Au Canada, entre 80% et 85% des mères commencent l’allaitement, mais peu conservent l’exclusivité après trois mois et presque pas après six mois, comme le recommande l’OMS», dit-il.

L’étude doit être publiée dans le prochain numéro d’une revue de l’Association médicale américaine, Archives of General Psychiatry.