Bientôt, en France, un couple dont la femme ne peut porter un enfant parce qu’elle n’a pas d’utérus pourra faire appel à une gestatrice et avoir un bébé en toute légalité. Ce n’est pas pour après-demain. Mais grâce à certains sénateurs, ce n’est plus un scénario de pure fiction...
 
Hier, un groupe de travail présidé par la socialiste Michèle André et dont les deux rapporteurs sont UMP a proposé la légalisation et l’encadrement de la gestation pour autrui (GPA) en France. Après six mois d’auditions et un voyage en Grande Bretagne (où la pratique est légale), ils préconisent que la GPA soit autorisée «en tant qu’instrument au service de la lutte contre l’infertilité». Mais ils se refusent «à accorder à tout individu ayant un projet parental un droit à l’enfant, porteur de dérives».

Au Sénat, drôle d’ambiance dans la salle. Des parents d’enfants nés grâce au concours d’une mère porteuse, souvent en Californie, où c’est autorisé, vivent ce moment comme «un tournant». Comme les époux Mennesson, longtemps poursuivis par la justice française et dont l’histoire est à l’origine du groupe de travail. Eux comme d’autres entendent de la bouche des parlementaires que les enfants nés de cette manière, les leurs, pourraient bénéficier d’une régularisation de leur état civil et de leur filiation. Des sénateurs UMP catholiques, accablés par les conclusions du rapport, soufflent et soupirent bruyamment. «Parlez au conditionnel», supplie l’un d’eux en visant un rapporteur. Plus tôt dans la matinée, des membres de la commission des affaires sociales ont même voulu empêcher la publication du rapport, jugé trop audacieux.

De fait, à l’heure actuelle, la GPA est interdite en France par la loi de bioéthique. «C’est un délit pénal, a rappelé Henri de Richemont, rapporteur. Et sur le plan civil, il est impossible de transcrire la filiation de l’enfant.». «Notre groupe s’est retrouvé face à la détresse de couples pour lesquels il n’y a pas de réponse législative, a expliqué Alain Milon, l’autre rapporteur du texte. Alors que les réponses médicales existent.»

Le groupe de travail envisage que la GPA ne soit ouverte qu’aux couples hétérosexuels (mariés ou justifiant une vie commune de deux ans) et en âge de procréer, dont la femme ne peut mener une grossesse à terme. L’un des deux parents intentionnels devra être le parent génétique. Ils devront être domiciliés en France pour éviter «le tourisme procréatif».

Pour «faciliter son désinvestissement affectif», mais aussi «prévenir les risques d’accident durant la grossesse ou l’accouchement», la gestatrice devra déjà avoir eu un enfant. Elle ne pourra pas mener plus de deux grossesses pour autrui. Une mère ne pourra porter un bébé pour sa fille, mais une sœur y sera autorisée. Un agrément sera obligatoirement délivré par l’agence de biomédecine. La grossesse ne donnera pas lieu à une «rémunération», mais «un dédommagement» sera fixé. Enfin, la gestatrice pourra se rétracter, jusqu’à trois jours après la naissance. «Ainsi la mère reste celle qui accouche selon nos grands principes» a affirmé Henri de Richemont, le sourire rassurant.

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